La première image de Robin, entrant dans mon cocon, c’est celle d’un humain souriant, son hang collé à lui, telle une extension de son corps, une carapace bienveillante sur le dos.
Pas comme une protection, non…
Plutôt tel un supplément d’âme.
L’empreinte d’un bout de joie qu’il emmène partout où il passe.
La confirmation que la Musique et Lui, c’est une évidence.
Au fil des partages, l’Artiste lève un bout de voile sur ce qu’il est aussi :
l’Intuitif,
le Sensitif,
le Marcheur,
l’Explorateur,
le Curieux,
le Voyageur de l’Âme,
l’Homme libre.
Sa parole est fluide, généreuse.
Sa voix vivante, sensuelle et habitée.
Ses propos ont la couleur de l’authenticité, de la maturité aussi.
Celle de l’Être qui voit, analyse, se positionne et à la fois respecte et ne renie pas ce qu’il a été ou ce qu’il a traversé, conscient que toutes ces étapes ont mené à ce qu’il est aujourd’hui.
Résumé d’une rencontre.
Clap 1.
Il nous emmène dans son monde : un espace où silence et sons s’embrassent, où les secrets n’ont pas leur place, où les sens s’embrasent, où créativité et liberté sont en phase.
Robin, la musique et toi c’est une histoire qui dure depuis toujours?
J’ai toujours senti que j’avais quelque chose de particulier en moi.
La musique a constamment fait partie de ma vie.
J’apprenais très vite, comme si je connaissais déjà l’instrument.
J’avais vraiment une sensibilité particulière.
Enfant, je tapais sur des bouts de bois et c’est à 11 ans que je fus « estampillé apte à la musique » par ma grand-mère paternelle qui me confia que j’avais l’oreille musicale de la famille ( du côté paternel, le son est bien présent. Juste qu’ils étaient des chefs de cuisine passionnés et jouaient de la musique « accessoirement ». Robin, lui, vit l’inverse : faire de la musique son métier et pratiquer l’art culinaire par ailleurs, pour le plaisir qu’il procure).
Je reçois la confirmation que je suis capable de faire de la musique et, plus tard, le retour des autres est toujours venu faire écho à mes certitudes, mon évidence.
A 15-16 ans, j’ai eu mon premier coup de foudre pour une guitare et c’est le jour de mes 17 ans, sur scène avec mon groupe de l’époque que j’ai décidé : « c’est ça que je veux faire ». Et là, ma scolarité a décliné (rires).
Ma famille m’a toujours soutenu, encouragé dans cette voie et ma mère est restée ma fan N°1. Ce fut vraiment précieux.
Jeune, j’étais dans l’ego, dans la comparaison, dans l’espoir de devenir une rock star. Mais parallèlement, j’ai toujours senti autre chose, dans ces moments où je me repliais un peu sur moi-même, je prenais ma guitare et je créais des sons complètement dingues.
Plus tard, je me suis rendu compte que j’avais placé la barre de la réussite très très haut. Je me comparais à d’autres musiciens et me disais « c’est ça que je veux obtenir ».
Faire ça, c’est très dangereux parce, tu peux t’en approcher, vivre un semblant de cette forme de vie idéale mais au final, tu ne seras jamais lui.
On me disait que j’avais potentiellement sans doute le talent et la sensibilité pour y arriver, mais on me renvoyait cette question importante : « et si tu n’y arrives pas, qu’est-ce qui se passe? ».
Suite à cette interrogation, j’ai choisi de me faire accompagner et j’ai réalisé qu’il fallait aussi que je nourrisse l’homme, Robin, et pas juste l’artiste. Je me rappelais soudain que je n’étais pas que « ça », que j’aimais cuisiner, rencontrer des gens, voyager, etc. Et j’ai donc commencé à me nourrir de façon plus globale, sentant que si je restais focalisé sur l’artiste, j’allais perdre ma fibre d’inspiration.
Il fallait que l’homme soit aussi accompli, nourri pour que je puisse le partager au travers de la musique.
C’était une période difficile, mais elle m’a permis de retirer la barre que je m’étais imposée et d’éviter les comparaisons. Mon objectif est d’arriver à vivre de ma musique, point. Je suis ce que je suis. La musique que je propose aujourd’hui c’est du Robin, personne d’autre ne la propose de cette manière.
Nourrir l’homme? De quelle façon?
Je ne peux pas concevoir une journée sans me faire plaisir. Dès que je me lève, après avoir pratiqué mon rituel de gratitude, je pose cette intention du plaisir des sens : bouffe, musique, vin, plaisirs charnels, c’est important pour moi.
Notre société est trop cérébrale. Avec le boum des smartphones, on voit des cerveaux sur deux pattes plus du tout dans leur corps. Personnellement, je fais ce travail tous les jours pour y rester le plus possible. Je suis créatif et penseur mais mon corps est important et je lui fais plaisir régulièrement.
Je suis conscient que vibratoirement parlant, bien sûr, la nourriture peut avoir un effet, mais je pense que quand tu savoures tout en pleine conscience et avec une bonne intention, c’est ok. Après, nous ne sommes pas indestructibles, mais je préfère vivre à fond, profiter pleinement, dans le respect et sans pour autant abuser.
Je suis un marcheur aussi, mon véhicule, c’est mon corps. Et puis, en n’ayant pas de voiture, je ne participe pas au commerce lié à l’automobile, au pétrole, à la pollution que ça génère. Je ne suis pas stressé derrière mon volant et quand je rentre chez moi, j’ai pris pleinement conscience de mon trajet.
Aujourd’hui, des gens sont capables de faire plus de 2 heures de trajet par jour pour aller bosser, se stresser, respirer un air de mauvaise qualité. Ils exécutent un boulot qu’ils ont en horreur. Quand ils rentrent ils n’ont pas une minute à eux et c’est la même chose tous les jours. Ils se sont laissés manger par leur zone de confort.
Alors, on a tous cette zone confortable. Une certaine forme de routine est quelque part inévitable. Mais ne plus bouger, ne plus prendre de risques, ne plus faire de choses qui te paraissent complètement folles, pour moi, c’est dommage. Dans le fond, c’est arrêter de vivre.
Cette notion de plaisir semble très présente dans ta vie.
Oui, le plaisir est un moteur. Quand tu me demandes si je travaille pour améliorer ma pratique musicale, je sens que je ne le fais pas dans cet objectif. Je sais que plus tu pratiques, plus tu te perfectionnes et effectivement, au bout d’un moment tu finis par sentir cette légèreté dans tes mouvements. Mais je le fais par plaisir et pas parce que je veux devenir un virtuose. L’intention n’est pas la même.
Quelque part j’admire et je respecte les musiciens qui, pendant des semaines, répètent la même chose. Par contre moi, je ne fonctionne pas comme ça. La prouesse musicale peut être remarquable sans jamais toucher le coeur.
Et puis, pour une musique aussi intuitive que celle que je propose, tu ne peux pas trop te permettre de cadrer, imposer, organiser. J’ai des objectifs, oui, mais je me donne une grande liberté pour y arriver.
J’ai besoin de beaucoup d’espaces dans tous les sens du terme, autant en moi qu’à l’extérieur. Je ne supporte pas le formatage. Le quotidien, les structures répétitives finissent par m’ennuyer. J’ai besoin de variété et la musique holistique vient vraiment répondre à ce besoin.
Il faut savoir aussi que 80% de nos concerts sont improvisés. On tisse un fil rouge en amont du concert mais en gardant une grande souplesse et une réelle adaptabilité. On canalise l’énergie du public et il devient notre partition. Je pense que si les retours des gens sont si positifs c’est parce qu’ils sentent que nous sommes à leur écoute. Nous avons d’ailleurs très envie de nous démarquer de la forme des concerts « classiques » : scène devant, public assis en regard.
Cette aspiration à vivre libre, à réinventer les codes qui ne lui conviennent pas pour en créer qui soient plus alignés avec sa vérité, sa vision revient régulièrement dans ses propos. Comme l’enfant qui se sentait à l’étroit dans le cadre rigide de la scolarité classique, l’adulte mâture et réfléchi garde ce besoin de se créer une vie en harmonie avec son identité profonde sans suivre, copier ni rentrer dans un quelconque moule enfermant et étouffant.
Quand tu parles des retours du public sur ta musique, quel serait le plus beau compliment que tu puisses recevoir?
Je n’ai pas besoin d’être validé, mais j’aime, si on veut me partager quelque chose, que ça porte sur le ressenti, pas que ça vienne de la tête. Viens pour vivre le concert avec ton coeur. Sinon, tu en gardes une mémoire visuelle et auditive, mais qu’est-ce que tu as senti, qu’est-ce que ça t’a procuré, qu’est-ce que ça a réveillé en toi?
Avant les gens allaient écouter la musique pour y trouver une émotion, une réflexion, elle faisait partie des moments sacrés de la vie. Aujourd’hui, les gens viennent pour le divertissement. C’est ok. Mais la musique a la capacité d’apporter bien plus que cela.
Justement, a-t-elle toujours eu cet aspect presque thérapeutique, holistique, ta musique? Comment s’est-il invité chez toi?
Non…
En réalité, à un moment de ma vie, j’ai fait une pause par rapport à la musique et j’ai enseigné et pratiqué le Reiki (soin énergétique) pendant dix ans. Je me suis baigné dans le thérapeutique, le vibratoire et c’est de cette façon que j’ai ensuite replongé dans la musique, d’une manière différente.
J’allais pouvoir lier ce qui m’intéresse (le développement personnel, la psychologie, la spiritualité, l’énergétique) à la musique. Et donc commencer à remplacer le toucher, l‘imposition des mains, par le son.
Et là, j’ai commencé à me spécialiser. Puis à collaborer avec des artistes qui ont le même objectif.
Aujourd’hui, nous nous approchons presque de la musique médecine. Il y a toujours cet aspect artistique, détente, bien-être mais on sent que nous allons clairement vers un côté laboratoire, expérimental du son, avec des concepts que nous sommes en train de mettre en place, qui peuvent sembler un peu farfelus mais qui vont apporter du bon, j’en suis convaincu.
Et qu’en est-il de l’inspiration? As-tu des rituels pour la stimuler?
L’inspiration est constamment présente. C’est une source intarissable, permanente. Je n’ai jamais de crise de la feuille blanche ni besoin de conditions particulières pour la contacter.
Tout ce qui vient ne sera pas nécessairement utilisé, mais elle est toujours là, je ne suis jamais en manque.
Par contre, j’ai un rituel du soir. Je me pose à l’extérieur, avec un verre de vin, une cigarette et, rapidement, je lâche tout ce qui s’est passé pendant la journée. Je ne pense pas à demain. Je suis dans l’ici et maintenant. C’est comme si j’ouvrais une porte et les idées peuvent alors arriver.
Je me sens en état de conscience modifiée et c’est là que je vais chercher le plus loin au niveau de ma créativité, de l’élaboration des concepts etc.
Au départ c’est assez mental puis je sens que je touche « quelque chose » quand mon corps me l’indique : les pieds à terre, en position de méditation, j’inspire pour absorber les idées. Mes cellules l’enregistrent. Le message passe.
Quand j’étais enfant, ce rituel était déjà présent sous une autre forme. Pendant les vacances, je passais ma journée dans les bois, transformant deux bouts de bois en personnages qui vivaient de merveilleuses histoires. J’ai toujours été nourri par mon imaginaire.
Je rêvais ma vie et je la vivais en parallèle en étant conscient des deux et, aujourd’hui, ça commence à se matérialiser.
Les rencontres artistiques, c’est finalement aussi un moyen de nourrir l’homme? Ca contribue à ta recherche de plaisir?
Il y a cinq-six ans (2012-2013), j’ai composé la musique d’un documentaire. C’était un travail solitaire, avec beaucoup de temps passé en studio. C’était génial comme aventure mais j’ai senti que j’avais aussi besoin de rencontrer l’autre. La première personne qui m’a donné cette impulsion, c’est Laure (ndlr Laure Stehlin - flûtiste).
J’ai goûté à une véritable synergie, avec les retours du public très encourageants.
De là est vraiment né mon élan à rencontrer d’autres musiciens dans cette même démarche. Aujourd’hui, mêler l’amitié et être au service de la musique, c’est juste parfait.
Et que préfères-tu : la scène ou la phase créative?
J’ai plus de plaisir à créer, à être en studio et à travailler sur des ambiances qu’à être en live sur scène. Mais ça commence aujourd’hui à évoluer. Avec la rencontre de Laurent (ndlr Laurent De Vecchi) et le développement de Sound Circles (leur label de musique holistique), il y a quand même des concerts où je prends vraiment mon pied. Mais jusqu’à présent, ce n’est jamais aussi puissant que quand je compose.
Je vais d’ailleurs proposer cette année des voyages sonores seul sur scène avec mes instruments pour expérimenter comment je me sens aujourd’hui face à un public et décider si c’est quelque chose que j’ai envie de poursuivre ou si finalement je suis plutôt fait pour les collaborations (qui resteront de toutes façons).
Tu ne fonctionnes pas comme certains artistes pour qui la scène est une nécessité et qui y trouvent une réponse à un besoin?
Non. Fonctionner comme un Johnny Hallyday, une bête de scène dont les concerts étaient un peu comme une drogue, moi, ce n’est pas mon truc. Je n’ai pas besoin de l’approbation de l’autre, de l’applaudissement. Ca me permet de m’écarter de l’aspect égotique qu’ont certains artistes à la recherche de reconnaissance. Je n’ai pas besoin de ça.
Et puis j’aime à dire que tant que tu mets ton ego au service de ton projet et pas l’inverse, tout va bien.
Par contre, oui, j’aspire à ce que ma musique puisse se diffuser suffisamment pour que j’ai la possibilité d’en vivre, voyager, rencontrer, agrandir les possibilités, donner vie aux nombreux projets qui me tiennent à coeur.
Mon intuition me dit que je suis sur la bonne voie mais elle me chuchote aussi « sois patient! » et ça, c’est moins facile (rires). Les idées, les projets, tout est là. Mais pour que ça se matérialise, le temps semble nécessaire.
Finalement ta musique, c’est ta contribution au monde?
J’entends beaucoup de gens dire qu’ils veulent être au service, aider. Mais eux, quand est-ce qu’ils s’occupent d’eux? Parce qu’avant de pouvoir faire rire une personne, il faut pouvoir se faire rire soi-même; avant de contribuer au bonheur de quelqu’un, il faut être capable de se rendre heureux soi-même.
Même les bouddhistes nous y invitent : occupez-vous de vous, prenez soin de vous, demeurez dans le silence et d’office vous pourrez partager et contribuer.
Moi, je m’occupe bien de moi, je me fais plaisir avant. Ce n’est pas être égoïste ni individualiste. Qui serais-je à dire « oui, ça va te faire du bien, si je ne le pratique pas moi-même ? ». Donc moi, j’expérimente tout avant d’en parler.
Mon invitation? Travaillez sur vous-même, soyez bien avec vous-même et le partage se fera naturellement parce que les gens s’intéresseront à votre personne si nourrie. C’et au-delà de l’aspect professionnel ou de vouloir délivrer un message : d’abord vivre, expérimenter et puis seulement, en parler, partager.
J’aime beaucoup le livre Le Prophète (Khalil Gibran), ce personnage qui observe, qui reste discret pendant toutes ces années et puis qui délivre toutes ses observations. Je ne prétends pas être un prophète, mais je vis un peu cela. J’observe tout le temps. C’est pour cette raison que j’adore bouger, prendre les transports en commun : j’adore étudier les gens, la nature humaine, la partie silencieuse, les non-dits, le non verbal…
J’observe toute cette matière et au bout d’un moment, j’ai des choses à raconter.
L’alternance du silence, pour faire un reset, et du mouvement, repartir me nourrir à l’extérieur est importante à mes yeux.
Tu me dis que le silence est un moteur pour toi, n’est-ce pas un paradoxe face à la musique?
Non! Le silence fait partie de la musique. On le note sur les partitions. La musique naît du silence et il s’y intègre. Le silence permet le ressenti, l’absorption. Les sons peuvent alors voyager au creux de chaque personne.
Moi, j’ai grand besoin de silence.
Aujourd’hui, le téléphone, la radio, la télévision sont très présents.
La musique est consommée.
Or, elle est sacrée à la base.
Les premiers instruments servaient à communiquer avec les dieux. On célébrait la venue au monde ou la mort avec la musique. Et aujourd’hui, c’est souvent devenu un espèce de compagnon pour ne pas être dans le silence.
Certains me disent avoir besoin d’un bruit de fond. Pour moi, ils ont juste peur d’aller en eux-mêmes. Pour vivre dans notre tête, nous sommes très doués, mais aller au coeur de soi, c’est une autre histoire. Le son est devenu un moyen de s’échapper, d’éviter de s’interroger.
Les gens ont peur d’entendre ce qu’il y a derrière le silence.
Leur part d’ombre, qui ne demande pourtant qu’à être révélée pour se dissoudre alors.
Mon objectif est d’aller jusqu’au bout de moi-même, atteindre le sommet de moi-même. Pour ça, je dois me connaître à 100% et si je fais comme beaucoup, éviter mon obscurité, ces moments où je ne vais pas bien, je ne me connais jamais entièrement.
Le silence est mon ami. Je n’ai pas peur de me confronter à mes ombres, à ces moments de doutes où je me demande où j’en suis, ce que je vaux, ce que je fais, si ça a du sens, si je suis sur le bon chemin, si je m’aime finalement.
C’est ce qui forge ma force.
Et justement, comment sors-tu de ces moments down qui traversent parfois nos vies à tous?
Les pages auraient pu se succéder encore, dans une danse passionnante. Il a fallu choisir. A regrets ai-je envie de dire.
Féminin-masculin, énergie argent, mental, enfant intérieur… autant de thèmes sur lesquels il a aimé partager.
La dernière image que je garderai, sera celle de vingt petites secondes suspendues où tout sembla s’immobiliser.
Un instant d’éternité où ses mains glissent et frôlent son instrument.
Déguster une telle qualité d’Être,
une sublime présence,
si simple et puissante
qu’elle libère quelques larmes
en touchant mon coeur,
ça me fait dire « merci ! »
sans possibilité de résister à ajouter : « Encore ! ».
Propos recueillis par : Delphine Hourlay
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Joyeuses (re) découvertes !
Fields of Wonders from Robin Scott Fleming on Vimeo.
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